vendredi 4 mai 2012

Au nom du fils


Larry Tremblay, surtout connu pour son travail comme dramaturge, revient du côté du roman, chez Alto, pour Le Christ obèse. Ce court roman est une œuvre dense, complexe, mais accessible. Psychanalytique et mythique. D’une couleur : noire.

Edgar s’est endormi sur la tombe de sa mère, au cimetière. À son réveil, durant la nuit, il surprend quatre personnages, qu’il croit être les chevaliers de l’Apocalypse, qui tabasse sauvagement une jeune fille. Sans réfléchir, il rapportera la blessée chez lui. Au départ rebuté, Edgar se sent finalement investi d’une mission envers celui – car voilà, il s’agit plutôt d’un jeune homme – qu’il a sauvé au cimetière. Pourquoi a-t-on battu celui qu’il se met à appeler Jean? Pourquoi Edgar, ce petit chien asocial et étrange, continue d’espérer pouvoir, par lui seul, guérir Jean de ses blessures? Derrière les portes closes de la maison d’Edgar se développe une relation d’amour inconditionnelle et tragique entre le sauveur et cet étrange Jésus, dont on finit par apprendre le passé trouble.

On l’a déjà dit : Le Christ obèse est une œuvre complexe. Larry Tremblay fait appel à notre inconscient collectif. Il utilise des symboles, introduit des éléments psychanalytiques. Le lecteur suit un fil troublant, rudement travaillé par l’auteur, tendu entre illuminations, catholicisme et complexe d’Œdipe. Les clés de compréhension et d’analyses sont nombreuses. Quelques moments de la trame du roman, pourtant moins cruciaux, peuvent sembler par contre un peu trop fardés, voire « pop », et jurent un peu à côté du ton presque cérémonial du roman. Cette histoire noire et tordue ne plaira sans doute pas aux lecteurs trop sensibles, mais Larry Tremblay nous montre son talent de romancier avec ce roman intelligent, intemporel, qui dérange.

- Bryan St-Louis

Le Christ obèse, de Larry Tremblay, chez Alto.

lundi 30 avril 2012

Sainte Nathalie de Sienne


Nathalie a gagné un voyage à Sienne, en Italie, en participant à un concours organisé par sa marque favorite de pain. N’allez pas croire qu’elle est heureuse : elle espérait gagner le troisième prix, un barbecue à gaz. Mais voilà que cette vieille fille un peu asociale, gênée et complexée, qui n’a jamais vraiment rien vécu d’excitant de sa vie, s’envole pour son premier vrai voyage en Europe.

Ce court périple en Toscane prend bien vite des allures de voyage initiatique pour Nathalie. Bien vite, une transformation s’amorce chez elle. Elle se découvre et ose, notamment par l’entremise de la jeune Laura, fraîche et libérée, dont l’objectif est de devenir la vedette d’un site de soft porn, quoique pourrait en penser son frère trop pieux. Cette libération, Nathalie la vit également dans une tourmente mystique qui chamboule le village. Et si la touriste québécoise n’était rien de moins qu’une sainte qui réalise des miracles?

Stéphane Dompierre, qu’on a connu alors qu’il racontait les tourments sentimentaux d’un jeune trentenaire du Plateau Mont-Royal, se promène cette fois dans des eaux très différentes : on est à des lieux de Un petit pas pour l’homme ou de Jeunauteur. Dompierre présente ici une fable mystique, aux angles féminins, aux détours improbables et coquins, qui ne manque pas de nous donner quelques sourires. Dompierre joue gros, joue différent : on sent la volonté de changement dans cette trame résolument originale et surprenante, dans laquelle on reconnaît quand même l’écriture irrévérencieuse et mordante de l’auteur. Dompierre s’amuse des travers humains dans cet exercice rafraîchissant, moins léger qu’il n’en paraît aux premiers abords… Amen.

- Bryan St-Louis

Stigmates et BBQ, de Stéphane Dompierre, chez Québec Amérique.