L’excellent Purge,
qui a remporté à raison le prix Femina 2010, nous avait révélé la force de
l’auteure finlandaise Sofi Oksanen. À rebours, on nous fait découvrir son
premier roman, Les vaches de Staline,
maintenant publié en français, toujours chez Stock.
Dans ce premier roman, Sofi Oksanen explore déjà les
processus narratifs qu’elle utilisera dans Purge.
Les points de vues de la mère, Katriina, et de la fille, Anna. Les allers et
retours entre le présent, le passé, l’entre-deux. Et deux mondes, l’Estonie et
la Finlande, si près, mais si loin, unis par un traversier. L’écriture est
peut-être moins précise et dirigée que ce qu’on a lu dans Purge, mais Les vaches de
Staline se défend très bien et ses arabesques complexes, même parfois un
peu trop étirées, stimulent le lecteur.
La politique et l’histoire avaient pris
beaucoup d’importance dans Purge :
on les trouve toujours en filigrane dans ce roman, qui est plutôt dominé par
les préoccupations individuelles, notamment celles d’Anna, la fille, qui vit
avec la boulimie et l’obsession d’un corps parfait. Une maladie qu’elle
analyse, qu’elle explique et qu’elle décrit avec une précision maladive. Anna
est centrée sur elle-même, elle est orgueilleuse, elle n’arrive que difficilement
à tisser des relations avec les autres. On trouve les origines de la
personnalité torturée d’Anna chez son père, toujours absent, qui côtoie les
filles de joie russes dans ses voyages d’affaire en URSS, mais surtout chez sa
mère, Katriina, qui a toujours cherché à cacher ses honteuses origines
estoniennes. Ce casse-tête imbrique aussi toute l’histoire de la famille
d’Anna, les sévices de la Deuxième Guerre mondiale, les tromperies familiales à
l’époque de l’Estonie soviétique, les mensonges, les déportations en Sibérie et
la misère, souvent causée par ceux qui étaient les plus proches.
Les vaches de Staline,
avec son côté plus dur, plus complexe, apparaît comme un diamant brut, et
prouve encore une fois le talent de Sofi Oksanen.
- Bryan St-Louis
Les vaches de Staline, de Sofi Oksanen, chez Stock.