vendredi 24 octobre 2008

9.987

Bon : pour les filles, on dit des barres asymétriques, et non pas des barres parallèles. Et si mon souvenir est bon, Nadia Comaneci, gymnaste affamée, a reçu son fameux 10 à l’ancien Forum, et non pas au Biodôme. Mais sinon, voilà, c’est tout : il y aura bien peu d’autres choses de négatif à dire sur Le Bestiaire, le nouveau roman de Éric Dupont, étoile de plus en plus brillante dans la jeune littérature québécoise. Dans ce troisième roman, Dupont nous ramène en Gaspésie, entre Rivière-du-Loup et Matane, pour nous raconter une enfance romanesque sous le règne de Henri VIII, et ses douces, mais surtout Anne Boleyn, sa deuxième. Elle n’est pas toujours facile, la vie d’un enfant de baby-boomer indépendantiste : le narrateur vit les premiers divorces, les premiers échecs péquistes et les questionnements de l’enfance dans ce qui prend les allures d’une fable peuplée d’animaux de toutes sortes. Si on compare à La logeuse, le précédent roman de Dupont, qui a remporté le prestigieux Combat des livres de Radio-Canada, l’auteur arrive cette fois a créer une magie un brin moins littéraire, ce qui devrait l’aider à se faire connaître encore plus d’un public populaire. On rit, on sourit, on est attendri, et les jeunes Nadia réalisent qu'elles sont chanceuses que Teodora Ungureanu ait terminé deuxième! Dupont nous raconte une histoire et nous amuse sans trahir la littérature : c’est un coup de force trop rare, qu’on se réjouit de voir. Excellent.

Le Bestiaire, d'Éric Dupont, aux éditions du Marchand de feuilles.

Bonne fête, Québec!

2008 aura été pour vous trop pleine d’un optimisme sans borne pour Québec? Voici le livre à mettre entre vos mains : Québec, ville dépressionniste, du collectif qui porte presque le même nom, un petit livre remplit d’humour noir qui nous rappelle le passé (et le présent) parfois pas toujours rose de la ville de Québec. Une dizaine d’auteurs s’attardent là où ça fait mal : le corporatisme du mal nommé Carnaval de Québec, la « poétique » (sic) du séduisant boulevard Hamel, l’asservissement touristique du Vieux-Québec, la gloire du béton, l’architecture de l’Université Laval… et même la pauvre petit rue Xi’an, qu’on souhaite qu’aucun dignitaire chinois ne vienne visiter un jour. Les intentions sont claires, on ne donne pas dans la demi-mesure, et un peu à la manière de Michael Moore, les auteurs trouvent les bons arguments pour nous faire penser comme eux. La plupart d’ailleurs ont aussi une plume fort intéressante, ce qui rend la lecture d’autant plus agréable (bémol pour l’article de Yannick Lacroix, qui en fait décidément un peu trop). Pour le négatif, on aurait peut-être aussi aimé retrouver directement sous les photos qui illustrent l’album (pourtant abondantes et fort bien choisies) les commentaires qui les auraient expliqué, plutôt que de devoir aller fouiller constamment en fin d’ouvrage. À lire, ne serait-ce que pour savoir!

Québec, ville dépressionniste, par le Collectif de La Conspiration dépressionniste, chez Moult Éditions.

Il manquait peut-être une coupe de champagne...

Depuis 1992, chaque rentrée littéraire amène inévitablement son nouvel Amélie Nothomb. Cette année, c’est Le fait du prince que nous présente l’auteur belge : un roman où l’on boit beaucoup de champagne, qui nous ramène plusieurs thèmes connus par les lecteurs réguliers de Nothomb : le désir, l’amour, les non-dits… Le décor, lui aussi, est familier : un huis-clos, deux personnages, un homme, une femme. Le premier a usurpé l’identité d’un homme mort chez lui ; la deuxième, mystérieuse et suave, n’a pas vraiment d’identité, vit au jour le jour dans la résidence de l’homme dont elle ignore la mort. Ils discutent, boivent et ttombent amoureux, évidemment, sans que ni un ni l’autre ne se connaisse vraiment. Pourtant, malgré tant de familiarité, quelque chose est changé cette fois dans l’écriture de Nothomb. Moins de phrases marquantes, moins de style incisif : une histoire qui coule, tout simplement, à laquelle manque un peu de la magie habituelle de la plume d’Amélie Nothomb. À propos d’un précédent ouvrage, j’avais déjà dit qu’un roman d’Amélie Nothomb où l’amour va dans les deux sens (et où il manque donc un peu de haine) faisait un roman moins marquant, et l’impression qu’il nous reste après la lecture du Fait du prince va dans ce sens. Mais quand même, un livre d'Amélie Nothomb reste un Amélie Nothomb…

Le fait du prince, Amélie Nothomb, chez Albin Michel.