mercredi 25 avril 2012

Derrière l'étoile jaune, le triangle rose


Au début des années 30, Michael Renner quitte Halifax pour aller prendre soin de sa grand-mère, qui habite à Berlin. Le voyage qui débute pour le jeune homme est l’occasion de renouer avec ses racines allemandes, mais aussi de découvrir sa vraie personnalité. Michael décidera de rester à Berlin, d’y faire sa vie. Cependant, alors qu’il tente de se créer une vie « normale », d’avoir une femme et des enfants, l’underground berlinois décadent de l’entre-deux guerre l’appelle et l’enivre, d’autant plus qu’il y croise Jan, un jeune prostitué pour lequel il se passionne. Envers et contre tout un régime qui écrase la différence, Michael a déjà commencé à suivre un chemin duquel on ne revient pas…

Par l’entremise de ces deux personnages, Stephens Gerard Malone amène le lecteur à découvrir le sort réservé aux homosexuels par le régime nazi, qui étaient encore plus bassement considérés que les Juifs, et dont le destin a été souvent ignoré. Le récit, échelonné sur plusieurs années, nous montre également la progression des répressions nazies pour le peuple juif, mais aussi l’ensemble des difficultés vécues par tout le peuple allemand. On comprend la colère et l’humiliation du peuple allemand au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, mais on s’effare quand même de voir le peuple juif devenir le levier d’un peuple qui cherche à retrouver son lustre.

Cinq minutes de plus à Berlin est évident un récit troublant. Par contre, au final, il est difficile de ne pas comparer le roman à d’autres œuvres autrement plus puissantes produites sur ce thème, comme Le pianiste et d’autres Liste de Schindler. En utilisant des protagonistes homosexuels, Malone présente un volet moins connu de cette tragique histoire qui fait à lui seul valoir le détour. Cependant, cet angle nouveau n’arrive pas à sauver complètement le roman : il manque à Cinq minutes de plus à Berlin une force de frappe supplémentaire. Évidemment, les horreurs vécues au cours de la Deuxième Guerre mondiale ne peuvent que faire vivre de vives émotions et on est véritablement ému par certains passages : il est tout simplement impossible de rester impassible en imaginant la réalité vécue dans les rues de Berlin en lisant les descriptions de Malone. C’est souvent dans les détails et dans des moments fugaces que les mots de l’auteur auront le plus d’écho. Sinon, on a l’impression que les émotions vives sont emmenées par l’Histoire elle-même, celle avec un grand H, qui s’est jouée au-delà des protagonistes du roman. En effet, lors qu’elle les met en scène ses personnages, l’écriture de Malone s’avère peut-être un peu trop clinique et descriptive pour un roman où l’amour et les pulsions jouent un rôle aussi important.

- Bryan St-Louis

Cinq minutes de plus à Berlin, de Stephens Gerard Malone, chez Québec Amérique.

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